Chercher, trouver, perdre: le nord – Les Godardas

Exposition du 15 au 30 avril 2021

Les Godardas – aka Jessica Decorvet et Marine Maye – cherchent le nord éperdument. À eeeeh, elles présentent une partie de cette quête en cours sous la forme d’une reconstitution du Grand Nord. Ce diorama est à l’image de ce qu’elles y ont trouvé: pas de travail, de la glace, Mouette, Sirène, des ruines communistes, une arche de Noé sous terre, des mines de charbon, des désirs et du froid.

Au mur est projeté un conte que le duo a ramené en 2018 du Svalbard. Il était une fois le monde des oiseaux. Les costumes du tournage sont exposés « en situation », le dispositif constitué de banquise et de tissus recompose leur habitat naturel.

Le Nord est-il au nord? Où aller quand on touche le nord? L’exposition met à disposition des boussoles. Reste à savoir ce qu’elles indiquent, pour l’instant elles tournent en rond.


Ouverture – jeudi 15 avril de 17h à 21h

Faune et flore arctique et exotique dans leur tenue d’apparat.
Inauguration de la boutique.


Chercher le nord – samedi 17 avril à 11h et 14h
atelier sur inscription* et bienvenue aux enfants, durée 1h

Activités en honneur de la journée internationale des luttes paysannes.
Herbier, collages naturalistes et iceberg en pâte à sel pour porte-clé.


Perdre le nord – samedi 24 de 11h à 16h (atelier sur inscription* à 14h) et dimanche 25 avril de 14h à 18h

Weekend de récits et anecdotes sur nos moments d’impuissance et de puissance.
Venez enregistrer vos histoires.
Atelier de construction de boussole (le samedi à 14h).


Finissage – vendredi 30 avril de 17h à 20h

Fermeture de la boutique et soldes.


Exposition ouverte du mercredi au vendredi de 16h à 19h
et le weekend selon le programme
Des visites sur rendez-vous sont possibles au 078 848 46 24

*L’inscription aux ateliers peut être faite par email à eeeeh@eeeeh.ch ou par téléphone au 078 848 46 24

Les Godardas sont un duo composé de Marine Maye et de Jessica Decorvet. Amies de longue date, la création des Godardas apporte un nouveau souffle à une collaboration qui s’étale depuis longtemps entre l’art et la vie. Nous avons toutes les deux fait un Bachelor en sciences sociales. Marine a ensuite fait un Master en anthropologie visuelle à Paris qu’elle termine en 2017. En 2020, elle commence un Master à l’ECAL en section cinéma, filière son. Jessica obtient en 2016 un Master d’art à l’École cantonale d’art du Valais. Depuis, en parallèle de sa pratique artistique, elle est coresponsable du pôle d’édition à l’Atelier genevois de gravure contemporaine et est intervenante à l’édhéa. En 2021, elle co-réalise, avec Valentin Rotelli et Charles-Elie Payré, le documentaire Super Super.

Le duo Les Godardas réunit leurs pratiques respectives et découle de leur intérêt commun pour le spectacle, les cabarets, l’autodérision et les personnages imaginaires. Leur objectif est de partager des thématiques du quotidien et des questionnements existentiels avec humour et distanciation.

Tales Of Nursing de Loren Kagny

du 12 mars au 3 avril 2021

Week-end d’ouverture le vendredi 12 et samedi 13 mars 2021 de 16h à 20h et 11h à 15h en présence de l’artiste. Les ouvertures régulières sont prévues les vendredis et samedis, soit le 19*, 20, 26* et 27 mars ainsi que le 2* et 3 avril ou sur rendez-vous.
(*en présence de l’artiste)

 


Tales of Nursing propose une installation immersive, un monde de mirages, de blessures et d’expériences du soi. Ce monde se manifeste par la peinture, la sculpture, l’odeur…
Les peintures présentent une figure à la fois infirmière et blessée. C’est un récit. Le personnage de l’infirmière semble se trouver face à ses propres blessures, en quête de sa propre guérison.

Stylistiquement, quelque chose de douloureux se dégage de ces peintures, accentuant le caractère onirique et hallucinatoire de la représentation. Les coulures apparaissent comme des larmes, le spray rouge se distingue comme du sang qui aurait transpercé un pansement.

Les objets évoquent des amulettes, des talismans ou des hochets. Ils sont peut-être là pour apporter leur contribution aux soins rationnels de l’infirmière par leurs propriétés forcément magiques et apaisantes. Malgré la fragilité de leur présence, une grande force se dégage de l’installation. L’ensemble est de l’ordre de l’inquiétante étrangeté.

Tales of Nursing peut se traduire de l’anglais par : Histoires des soins infirmiers, Contes sur l’allaitement, Récits d’infirmières ou encore Contes sur les soins.


vue d’installation, Tales of Nursing, Loren Kagny, 2021 |au premier plan: 1 visite, 2 visites, fleurs coupées, vases en verre, plastique, eau, 2021. crédit photo: Loren Kagny
looking at yourself, looking at the future, looking at the past, 2021, acrylique et eau sur canvas. crédit photo: Loren Kagny
vue d’installation, de gauche à droite: the fall (lâcher prise), 2021, acrylique et eau sur canvas; L, 2021, verre, textile; save me from rebirth . SOS (i am one), 2021, acrylique, eau, rubans adhésif et textile sur canvas. crédit photo: Loren Kagny
a magical song, 2021, verre, textile, clochette. crédit photo: Loren Kagny
mini L’eau, 2021, acrylique et crayon sur canvas. crédit photo: Loren Kagny
vue d’installation Tales of Nursing, Loren Kagny, 2021. crédit photo: Loren Kagny

mini nurse, 2019-2021, textiles, rubans, pigments. crédit photo: Loren Kagny
flying creamy, 2021, verre, textile. crédit photo: Loren Kagny
vue d’installation, de gauche à droite: flying creamy, 2021, verre, textile; nursing doll, 2020-2021, peinture et tipp-ex sur papier, cadre aluminium peint. crédit photo: Loren Kagny

Avec le soutien de Art en jeu

Résidences d’artistes – Maëlle Gross

du 1er au 7 mars 2021

THIS IS A SEED est le prochain projet de l’artiste Maëlle Gross. Pour une deuxième résidence d’une semaine, après leur passage au mois d’août 2020, l’artiste multidisciplinaire et ses collaborateurices sont venu.e.s poursuivre leur recherche pour une performance inspirée de la science-fiction qui sera présentée à l’automne prochain.

Maëlle Gross est née en 1988 à Lausanne. Elle est titulaire d’un Bachelor en arts visuels à la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD). En 2016, elle obtient son Master in Fine Arts à la Goldsmiths University de Londres. Travaillant principalement avec les médiums vidéos, performatifs et installatifs, sa pratique entremêle faits et fiction. Avec un accent sur les conditions sociales, son travail s’axe principalement sur les questions d’identité notamment à travers le genre.

www.maellegross.com

Résidences d’artistes – Valentina D’Avenia et Cecilia Moya Rivera

Du 16 au 28 février 2021

Combien de deuils as-tu déjà faits? 
Quais as promessas que você faz pra você mesma?
Où est la saleté en Suisse si elle n’est pas dans nos rues propres? 
N’est-ce pas la langue qui nous possède ? 
De quoi tu as le plus honte ?
Qu’est-ce que tu vois en Suisse que les suisses ne voient pas ?
Est-ce que dans un monde lesbien les mains seraient cachées car considérées comme des organes
génitaux ? 
Ça vous dit qu’on partage tout ?
Você matou a branca dentro de você? 
Quels sont les mots que tu ne peux pas traduire en français? 
Pourquoi sur les sites des élections communales il n’y a que des blancs anti-racistes mais quand
même que des blancs? 
No future no culture, pourquoi tu n’as pas partagé sur les réseaux ?
Est-ce qu’on peut normaliser le fait de vouloir dormir avec ses ami.e.x.s?
Est-ce que tu es des personnes différentes quand tu parles des langues différentes ? 
Quantas coisas ou pessoas você já abandonou? 
Est-ce que bientot cela n’arrivera plus de se perdre? 
Do you feel pleasure to inhabit your own body?
Where does you anger comes from?
Shall we do a list of all techniques used by whiteness to stay hegemonic? 
​piensas seguido en tu pasado?
de que tienes vergüenza?
​como practicas la idea del tiempo – no linear?
​what do you think is the most interesting thing about the present?
¿piensas que las relaciones se terminan?
Você sabe dizer I surrender em quantos idiomas?
Você acha que as pessoas precisam de quanto tempo para entender as palavras?
¿Qué piensas del prefijo RE-?
Quelles sont les expressions en espagnol qui te manquent le plus au quotidien ?
Você se sente mais você em portugues?
Do you think the languages have an energy?
Crees que deberia aprender el acento del lugar donde vivo?
How does the language transform you?
Comunidad y colectividad son sinonimos?
En el futuro vamos a extrañar algunas palabras de antes?
Did you ever forget a language?
Do you dream in the same language that you use everyday?
Do you think that dreams happens in the same place that we are now?
Você sexualiza as coisas e as pessoas com frequência?
¿Cuanto sangras en un mes?
Você sabe que morangos eram brancos no começo ?
¿hablar de postcolonizacion es crueldad o ironia?
¿Qué significa nuestro trauma?
Are you feeling good?
¿Piensas que las emociones son revolucionarias?

V_a_l_e_n_t_i_n_a_ D’a_v_e_n_i_a_ (_L_u_g_a_n_o,_ 1_9_8_9)_ _est curatrice, artiste et traductrice. Récipiendaire du Prix d’encouragement à la recherche en Histoire de l’Art de l’ASHHA en 2014, Master en Histoire de l’Art et Sciences Historiques de la Culture en 2016, Responsable de l’espace d’art le Cabanon de 2014 à 2015, ses projets sont orientés vers la réparation de l’histoire de l’art, la valorisation de savoirs non-hégémoniques et les stratégies de hacking de normes de genre, race et classe dans les milieux culturels. Elle a effectué des stages à Swissnex Brazil et Pro Helvetia, a collaboré comme artiste ou curatrice La Casa do Povo (BR), Verbo Festival et de nombreuses institutions Suisses. Elle a travaillé en tant qu’administratrice et productrice aux Urbaines en 2019 et est actuellement programmatrice d’Arts Visuels et d’Arts Vivants au sein de Foodculture Days (Vevey), eeeeh! (Nyon), La Fête du Slip(Lausanne). Elle est membre du collectif de traduction BRASA et du collectif Universidad Desconocida.

Cecilia Moya Rivera (Santiago, 1992) est une artiste multiforme et graphiste sud-américaine –d’origine chilienne– qui vit à Genève. Active dans divers collectifs féministes ainsi qu’au sein du collectif MilM2, avec lequel elle explore les pratiques collectives dans l’espace public comme outils politique/performatif. Avec le collectif MilM2, elle a présenté des projets dans de nombreuses villes et festivals au Chili, Uruguay, Brésil, Portugal, Espagne, Allemagne, Irlande et Suisse. À Suisse elle a présenté son travaille a BDQI (Nyon), far° (Nyon), Arsenic. Parallèlement, elle a développé ses recherches personnelles sur le mouvement féministe alternatif au Chili, après la dictature de Pinochet. Actuellement, elle expérimente sa pratique artistique, dans une perspective féministe et polyphonique, sur la langue comme arme politique de décolonisation.

Résidences d’artistes – Fraich Club

Presque un an après le début de leur recherche, Fraich Club présentera finalement leur projet NOEXIT à Genève dans différents espaces d’art indépendants. Le premier chapitre du projet est déjà exposé à Zabriskie Point, au rond-point de Plainpalais à Genève, et le deuxième sera lancé sous peu à l’espace 3353, à Carouge.

Profitant d’un accès à l’espace de la Grenette durant deux semaines de résidences, Fraich Club s’est lancé dans la réalisation d’une mascotte en mousse et fourrure synthétique à l’effigie d’un tamia rayé, d’un moulage de soleil en film latex et d’une vidéo de lune. Les sculptures sont inspirées des trois personnages principaux de la pièce Huis Clos de Jean-Paul Sartre que l’artiste imagine se superposer à la réalité urbaine post-pandémie; les personnages-sculptures comme des entités prisonnières des lieux désertés de la ville en confinement.

En mai 2021, eeeeh ! accueillera de nouveau Fraich Club pour présenter un projet spécialement conçu pour l’occasion.

Fraich Club est un artiste suisse basé à Genève. Fraich Club recoupe les sensibilités personnelles, formelles et conceptuelles de son entourage, produisant des contenus originaux et hybrides à travers de nouvelles dramaturgies. Sa recherche explore les données liminaires et les scénarios multicouches latents aux infrastructures sociales, au processus d’historicisation et à la micropolitique. La dynamique des images et des gestes qui l’intéresse est un moyen de réfléchir sur les structures psychologiques et politiques de la réalité ainsi que sur les autorités institutionnelles et les conditions de production artistiques.

Avec le soutien du Fonds cantonal d’art contemporain, DCS, Genève et la Loterie Romande.

S’enraciner dans les ruines – une entrevue avec Dorothée Thébert et Filippo Filliger

Dorothée Thébert est photographe. Filippo Filliger est réalisateur. Ensemble, ils ont escaladé le Stromboli, joué à poil à cache-cache à Berlin, passé trois jours au lit pour un remake du Bed-In de John Lennon et Yoko Ono, contacté des polissons sous chiffre, fait disparaître les spectateurs d’une galerie dans une masse noire au son de lieds de Schubert, tourné un court-métrage érotique, conçu une fille, proposé à un danseur moderne de mettre un tutu et remonter sur scène à presque 60 ans, construit une maison gonflable, réfléchit au rapport entre effeuillage et confession, mis en scène un bal dans un kiosque à musique, rêvé d’acheter une soucoupe volante, hypnotisé une comédienne le temps d’une représentation, conçu un garçon, fait défiler l’élite intellectuelle qui a ébauché les utopies du vingtième siècle entre deux saunas, perdu le gouvernail, erré sur la roche sèche de Lampedusa, écrit la Déclaration des droits de l’être humain sur le trottoir avec les passants et présenté les travaux qui en découlent dans différents théâtres et espaces d’art contemporain.

Après deux semaines de travail et de recherches, le duo composé de Dorothée Thébert et Filippo Filliger ont laissé la place à l’artiste Fraich Club qui s’est installé à la Grenette. Avant de nous quitter, Dorothée et Filippo ont accepté de partager leurs réflexions avec Aurélie de l’équipe de eeeeh ! pour nous permettre d’avoir un accès privilégié à leur démarche malgré la fermeture de l’espace au public.

Aurélie : La semaine dernière, je suis passée par l’espace eeeeh ! pour voir votre processus de travail. J’ai découvert la grande table recouverte de livres, deux vestes tricotées accrochées au mur, une série d’exercices imprimés sur du papier fluorescent et dans le coin derrière une des grosses colonnes de l’espace, Filippo occupé à créer des sons sur un appareil surprenant composé de synthétiseurs aux lumières et fils colorés. J’imagine que la fermeture de l’espace au public a dû changer vos plans de résidence, comment la pandémie affecte-t-elle votre façon de travailler en ce moment?

Filippo : Concrètement, la pandémie nous a poussés à adopter des moyens très pauvres pour adapter notre travail aux conditions de production et diffusion actuelles. Les salles de théâtre ne sont plus ouvertes au public depuis plus de 180 jours et même ici, dans une galerie, les vernissages et les événements publics ne sont pas permis. À partir de là, on a dû inventer des moyens pour poursuivre notre travail dans la sphère publique et la résidence ici à eeeeh ! était une belle occasion. Nous développons ici une première étape de travail pour notre recherche autour du rapport au vivant, un projet qui se demande comment définir le sensible aujourd’hui.

Dorothée : Effectivement, cette pandémie a modifié beaucoup de choses. On va se retrouver à écrire notre prochaine pièce de théâtre dans un jardin dans le cadre d’une résidence à Utopiana, à Genève. L’expérience de mettre les mains dans la terre est à l’origine de nos réflexions et de notre recherche actuelle. Le jardinage est arrivé pendant le premier confinement. La relation à la terre et au vivant, on l’avait avant seulement dans nos pensées, puis ça s’est concrétisé, matérialisé. Notre recherche émane presque toujours de notre vie personnelle, de notre quotidien, de notre envie de comprendre le monde qui nous entoure. On vit et on réfléchit ensemble, en tant que couple aussi et ce qui nous arrive alimente directement notre pratique artistique.

A : Qu’est-ce que vous avez trouvé pour rendre ces contraintes constructives? Comment vous êtes-vous adapté?

F : Les conditions de travail à eeeeh ! sont quand même intéressantes malgré la fermeture parce que nous sommes en vitrine. On est face à l’espace public où l’on voit les gens déambuler et circuler. Ça nous a permis d’afficher les instructions pour réaliser un exercice par jour pour avoir un regard différent sur le monde qui nous entoure. Ainsi, certain.e.s passant.e.s nous communiquent leurs réactions à travers la vitre et d’autres poussent la porte pour venir échanger avec nous.

D : Être porté par l’espace public qui s’active devant nous tous les jours, c’est vraiment stimulant pour l’écriture. Mais surtout, l’incertitude liée à la situation nous a donné envie de réaliser un livre, un objet concret et fini à la fin des deux semaines de résidence.

F : En effet, rapidement, quand on a su que l’espace allait être fermé au public, on a approché les éditions Ripopée pour collaborer à la réalisation d’un livre. Il y a une belle complicité qui s’est créée avec les éditrices, Stéphanie Pfister et Jessica Vaucher. Comme on est privés de public, on a pensé à un livre ludique qui puisse créer des liens entre les gens, un peu comme dans nos spectacles précédents.

A : Vous annoncez prendre comme point de départ à votre recherche un projet antérieur que vous avez réalisé à partir de la « Déclaration des droits de l’homme » et un texte de Simone Weil. Comment articulez-vous ces objets de recherche à votre question sur l’enracinement, le rapport au vivant et la définition du sensible?

D : Dans la performance à l’origine du projet, nous écrivions la Déclaration des droits de l’Homme dans l’espace public, tout en demandant aux passant.e.s de nous aider, ce qui nous permettait de discuter avec elles.eux de la valeur de ce texte aujourd’hui. Cela donnait une sorte de radiographie de notre époque. En travaillant cette performance, nous avons découvert le texte de Simone Weil que nous avions envie de discuter avec des gens autour de nous.

F : Une des choses qu’on a mises en place ici et qui va nous accompagner tout au long de de notre recherche est une série de rencontres virtuelles avec deux ami.e.s de Montréal, Chiara Cavalli, philosophe, et David Guillemette, chercheur en histoire des mathématiques, au fil desquelles nous allons réfléchir ensemble à partir d’une série de textes. Hier, lors de notre première rencontre, nous avons donc parlé du texte de Simone Weil « L’Enracinement ou Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain ». Ce qui nous intéresse est de creuser les fondements de ce qui constitue le vivre-ensemble pour nous, humain.e.s, et, de manière plus large, le vivre-ensemble avec le vivant.

D : Une des choses qui nous intéresse dans ce texte, c’est que Weil déplace le discours sur l’autorité : au lieu d’avoir des droits, nous avons des devoirs. Par ailleurs, elle analyse la condition ouvrière et paysanne – qui sont à la base de la production – pour parler du travail, de la notion de spiritualité dans le travail et de ce qui nourrit l’âme.

F : À notre mesure, quand on se retrouve à jardiner, ce qui nous intéresse n’est pas strictement la production de légumes, mais la nature de la relation qui s’établit entre le travailleur et le vivant.

A : …la relation qui se crée par le geste et l’attention entre l’individu et son milieu.

F : Exactement, c’est toujours une praxis.

Une sélection d’ouvrages accompagne la recherche et le travail d’écriture des artistes. crédit photo : Aurélie Dubois

A : C’est intéressant de voir comment votre recherche est partie de questions politiques et sociales, où la notion de droit extraite de la « Déclaration » est prise comme le symbole de l’humain et ses relations hiérarchiques et d’autorité en lien avec l’administration de la vie sociale. Ensuite, par l’angle du travail, comme un entonnoir inversé, ça s‘élargit sur des questions beaucoup plus existentielles, soit la définition de l’humain par ses relations au vivant.

D : Effectivement. Ça fait déjà un certain temps que notre travail se concentre surtout sur les rapports que l’on entretient à l’altérité. L’hypothèse que nous émettons, à ce stade de notre recherche, c’est de situer une part de spiritualité dans la notion même de relation. Seul.e, on n’est pas grand-chose et c’est dans la relation à l’autre, à l’altérité et au vivant que notre existence trouve ses fondements.

F : En parallèle à cette recherche sur le sensible, on fait le constat qu’on vit dans un monde en ruine. Et pas seulement écologiquement. Les ruines sont relationnelles, politiques, sociales et concernent pratiquement tout ce qui compose le vivre-ensemble tel qu’il a été pensé depuis la modernité. Pour reprendre les idées de Simone Weil, aujourd’hui il y a beaucoup d’emplois qui se composent de tâches complètement dénuées de sens pour le.la travailleur.euse. C’est un constat d’échec, une sorte de ruine, quelque part. Et, nous, on se demande comment faire pour remettre du sens là-dedans.

D : Mais, nous ne portons pas un regard romantique sur les ruines. Hier, on discutait aussi d’un texte du dramaturge Lukas Barfüss qui parle du deuil et de comment s’est perdu le sens du rituel commun qui est de pleurer pour pouvoir passer à autre chose. C’est comme s’il fallait retrouver les larmes pour pouvoir penser à aller de l’avant. On voit un peu les ruines comme un terreau dans lequel on peut planter des graines pour faire pousser de nouveaux horizons.

F : Et on pense que ça peut être fait avec des récits. Face à ces éléments qui ont été vidés de sens, les récits permettent de faire renaître une certaine sensibilité.

A : Les questions de rituels et de récits font d’ailleurs échos aux pratiques artistiques. Comment réfléchissez-vous au rituel lorsque vous formalisez vos projets artistiques au-delà des questions théoriques?

F : En fait, on essaie de trouver des manières de faire travailler le public avec nous. La participation n’est pas obligatoire, mais la porte est ouverte à réaliser des actions en travail collectif. Ça donne lieu à des discussions improvisées qui sont à leur tour des déclencheurs narratifs. Pour l’instant, nos réflexions sur les ruines et l’enracinement par le sensible nous ont poussés à proposer une série de dix exercices à réaliser dans la ville pour activer les sens et éveiller un certain niveau d’attention et de conscience. Ce sont des petites expériences qui nous permettent de mettre en pratique nos idées avec le public.

A : Pour celles et ceux qui n’ont pas pu découvrir les exercices au fil des deux dernières semaines, qu’est-ce qu’on peut s’attendre à retrouver dans le livre édité avec Ripopée?

D : Il s’agit d’instructions pour une balade dans l’espace public, qui peut être faite seul.e. ou à plusieurs. Nous l’avons pensée pour être réalisée aussi bien dans une ville que depuis la campagne.

F : Et la publication contiendra aussi des dessins de Jules Ancion, un jeune homme passé par hasard dans la galerie, qui nous a proposé spontanément et joyeusement d’illustrer ces exercices. Malgré la situation sanitaire, notre présence dans l’espace eeeeh! à tout de même pu produire du hasard et de belles rencontres.

Le livre « S’enraciner dans les ruines – un cahier de dérive» sera disponible à Ripopée dès lundi 10 février.
www.ripopee.net

Dorothée Thébert et Filippo Filliger poursuivront leur recherche à Utopiana à Genève où ils écriront leur prochain spectacle.
www.souschiffre.net
www.utopiana.art/fr

Résidences d’artistes – Dorothée Thébert et Filippo Filiger

Dorothée Thébert & Filippo Filliger – tous deux issus des arts visuels et naviguant ensemble dans les eaux du théâtre – occupent l’espace eeeeh ! pendant deux semaines pour en faire leur atelier de recherche et initier une nouvelle création.

Partant de la Déclaration des droits humains qu’ils ont un jour écrit à la craie dans l’espace public, ils se posent la question de ce qui nous tient ensemble aujourd’hui et avec quelles ruines allons-nous devoir composer un futur.

Le premier chapitre de leur recherche puise des outils de réflexions dans le texte de la philosophe Simone Weil « L’enracinement – prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain ». Ils rendront compte de leur travail en réalisant un cahier avec les éditions Ripopée. Il contiendra des instructions pour une balade en plein air, ainsi que des dialogues à lire durant le trajet. Dès la fin de la résidence, il sera disponible aux éditions Ripopée ou sur demande. 

Ces exercices à pratiquer soi-même sont composés, puis exposés au public tout au long de leur résidence.

Steeve Fleury

Durant 15 jours Steeve Fleury, qui revient d’une résidence de trois mois à Gênes, propose d’occuper l’espace eeeeh avec diverses propositions tournant autour de sa passion pour l’eau, le lac et la glisse.

Il descend jusqu’au bord de l’eau puis il plonge 

Il descend jusqu’au bord de l’eau puis il saute

Il descend jusqu’au bord de l’eau puis il flotte 

Il descend jusqu’au bord de l’eau puis il glisse

Tu te souviens de cette bise, de ce goût de sel dans la bouche, de ce poster sur le mur de la chambre, de cette mélodie qui tournait en boucle dans ces hauts-parleurs, de ces paysages inconnus.

Hein dis, tu te souviens de ça ?

Sinon moi ça va, je pars bientôt et je reviendrai bientôt.

Des portraits du lac, des gens, des objets, des vagues, voilà ce qu’il y aura dans eeeeh le premier janvier.

Ouverte du mercredi au vendredi de 16h à 19h et le samedi de 11h à 15h, l’exposition sera gardiennée par Steeve Fleury, pour autant qu’il n’y ait pas de vent sur le lac.

Si vous avez la chance de le voir, il pourrait éventuellement vous tirer le portrait, si les conditions sont réunies.

En plus de l’exposition à eeeeh, vous pourrez découvrir 20 portraits disséminés en ville de Nyon et visibles jusqu’au 11 janvier 2021.

Nina Haab

Soll ich bleiben oder gehen ?

Une exposition de Nina Haab 

du 4 au 27 décembre 2020

ME – VE : 16h – 19h , SA : 11h – 15h et sur rendez-vous

L’artiste sera sur place les 4, 5, 11, 18 et 19 décembre

Soll ich bleiben oder gehen ? est une exposition de l’artiste suisse Nina Haab qui regroupe une sélection d’œuvres de ses deux derniers projets : Missive (2017 – en cours) et Vue sur Jersey (2018 – en cours). Sa recherche se focalise sur l’histoire et la mémoire collective. Elle est particulièrement intéressée par la dimension autobiographique et ses rapports aux différents territoires culturels. Elle n’hésite pas à mélanger la fiction et les faits, ceci dans le but d’enrichir l’aspect narratif contenu dans son travail. 

Missive est une installation qui montre une série de dessins au crayon réalisés sur d’anciens meubles. Les images représentent des photographies suisses datant de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle. Elles sont toujours accompagnées de phrases qui traduisent une actualité, un témoignage ou une pensée que l’artiste veut transmettre de façon métaphorique aux personnages du passé figurant sur l’image. Elle inclut dans son travail aussi bien sa vie privée marquée par les préoccupations de notre société que la politique mondiale ou le milieu de l’art contemporain

Vue sur Jersey, une installation également, est composée d’une photographie, de meubles anciens, de sable, de pierres, et de dessins au crayon sur papier. La plupart des images représentent une plage d’environ 3 km entre Pirou Plage et Armanville. Ce projet a été initié par l’artiste après sa découverte des ruines d’un ancien télégraphe situé jusqu’à la fin des années septante sur les dunes. Cette construction s’est effondrée suite à l’érosion du littoral. C’est un problème mondial auquel n’échappe pas la Basse-Normandie. Les secteurs dunaires sont en effet très exposés et reculent chaque année. 

Nina Haab est une artiste suisse née en 1985 à Bellinzone. Après quelques années passées à Nyon, elle vit et travaille actuellement à Genève où elle a obtenu un Master en arts visuels à la Haute école d’art et de design (HEAD). En 2012 elle se voit attribuer un atelier pour artistes plasticiens par la Ville de Genève et un prix fédéral au Swiss Art Awards à Bâle. Entre 2015 et 2016 elle est invitée à participer à la résidence d’artiste ABA à Berlin, soutenue par Pro Helvetia. Aujourd’hui, Nina Haab expose régulièrement en Suisse ainsi qu’à l’étranger. Elle a notamment présenté son travail au Centre d’art Contemporain de Genève (2013); au Kunstmuseum Lucerne (2015); au Museo d’arte della Svizzera italiana, Lugano (2016); au KUNST-WERKE | Studiolo, Berlin (2016); au Kunsthaus Langenthal (2017); au Château d’Aubais (2018); à la Fondazione Cesare Pavese, Santo Stefano Belbo (2019-20); au GAM, Turin (2020-21). En 2020, elle est lauréate de la Bourse Abraham Hermanjat. 

www.ninahaab.ch

Willi Woo

Une exposition collective proposée par Alexia Turlin
Prolongée jusqu’au 29 novembre.

L’exposition sera ouverte cette semaine et gardiennée par Alexia Turlin!

Ouverture du mercredi au vendredi de 16h à 19h et samedi de 11h à 15h

WILLI WOO, une proposition d’Alexia Turlin.

Avec des oeuvres de:
Andreas Kressig / Cathia Rocha / Claude-Hubert Tatot / Christina Jonsson / Lucie Eidenbenz / Sofia Kouloukouri / Aline Seigne / Céline Peruzzo / Benjamin Tenko / Laura Thiong-Toye / Anaëlle Clot / Julien Babel / Valentina Pini / Sébastien Leseigneur / Camille Renault / Hadrien Dussoix / Eun Yeoung Lee / Gaël Grivet / Tami Ichino / Diana Tipoia / Eric Winarto / Zun Riondel / Thomas Maisonnasse / Keiko Machida / Peter Stoffel / Nina Schipoff / Eric Philippoz / Alexandra Nurock / Pierre Zufferey / Florence Vuilleumier / Heike Cavallo / Laure Gonthier / David Bonvin / Fanny Balmer / Galaxia Wang / Laura Rivanera /  Sapin Magique

Visites commentées par Alexia Turlin sur inscription dès 5 personnes.

30 octobre: vernissage et performance culinaire de Christina Jonsson

Samedi 7 novembre – Journée des arts reportée à 2021
12h visite guidée par Alexia Turlin
17h performance de Lucie Eidenbenz, THAUMATOGRAPHY
19h concert de Sapin Magique

Dimanche 15 novembre 18h – performance reportée – date encore inconnue
Sofia Kouloukouri, MISUNDERSTANDINGS IN TUNE : A KARAOKE

WILLI WOO, une proposition d’Alexia Turlin avec  33 artistes rassemblés sur une peinture murale au fusain et au spray de l’artiste-curatrice dans l’espace d’art Eeeeh à Nyon. 
WILLI WOO c’est une grande rafale de vent qui s’abat à 200km\h dans les canaux chiliens et argentins de Patagonie. 
WILLI WOO c’est l’esthétique des liens cosmiques qui nous entourent . 
WILLI WOO c’est nous.  
WILLI WOO c’est la puissance d’un courant éphémère qui s’engouffre dans la galerie nyonnaise pendant 2 semaines. 
C’est une voix collective. 
La puissance de l’art.

Chaque pièce choisie par Alexia Turlin est issue des collections des artistes, de la Milkshake Agency (atelier et espace d’art genevois d’Alexia) et sont pour certaines, des œuvres inédites produites pour cette exposition.
La peinture murale d’Alexia Turlin en fond d’accroche, un mur de montagnes de la série ouverte des montagnes-eau, nous rappelle à l’ordre sur les lois de la gravité. 
Un paysage en mouvement permanent.