Silence – Aline Fournier

Résidence de recherche tout le mois de mars
Restitution et performance le week-end du 29–30 mars 2024

Lorsque son appareil photographique est visible, Aline se sent protégée. Lorsqu’elle le met en joue, les gens acceptent qu’elle entre dans sa bulle, et qu’elle ne veuille plus communiquer oralement.

Douceur du silence.

La sensation de pouvoir que lui confère son appareil photo la place en quelque sorte à égalité avec les personnes « dominantes ». Elle les oblige à se taire par réflexe – parce qu’il est rare qu’une personne avec la gueule ouverte soit valorisée sur la pellicule.

Lorsqu’elle range son appareil photo dans son sac, elle redevient vulnérable au milieu de la foule. Vertige.

Durant plus de quinze ans, le medium de la photographie lui a offert une forme d’autonomie et de respectabilité dans une société aux cadres inadaptés à sa surdité. L’équilibre est toutefois précaire entre normalisation et incarnation, extrêmes qui l’habitent en permanence et entre lesquels elle se sent chahutée comme une boule dans un flipper. Nausée.

Le medium de la photographie contient le silence en son sein, lui permettant de se sentir en lien avec ce qui l’entoure. Mais que représente réellement ce mécanisme de braquage, de traque et de pouvoir ? Une protection, ou une entrave ? Comment entrer en lien avec les gens et ce qui l’entoure dans ce monde d’oralité, autrement que par la création d’espaces sécurisés de silence ou de la présence de l’appareil photo ?

Aujourd’hui, elle ressent une urgence à comprendre et déconstruire. Quel est son véritable rapport au médium de la photographie ? Quels sont les mécanismes qui lui assurent protection lorsque l’appareil est visible ? Comment les intégrer au quotidien, même sans avoir le matériel à portée ?  Comment conserver ce silence et ce lien qu’elle parvient à obtenir, tout en enlevant les formes de pouvoir et de dominance inhérentes au médium ?

Pour cela, elle expérimente diverses pistes en parallèle : création d’un vocabulaire visuel, instinctif ; expérimentations performatives pour se relier, tenter de se comprendre, sans utiliser le langage verbal ; exploration de diverses formes de communication écrite etc.

Il s’agit d’une recherche qui ne peut se faire de manière isolée, uniquement en collaboration et avec la participation active du public et du collectif.

Lors de sa résidence à l’espace eeeeh!, Aline a invité l’artiste Noa Chevalley à collaborer, puis différents publics pour mener une petite communauté de recherche temporaire.

 

PROGRAMME

Vendredi 29 mars 2024
Performance
Restitution du travail réalisé en collaboration avec Noa
19h30 performance, ouvert dès 19h
Repas prix libre

Les artistes Aline Fournier et Noa Chevalley se sont rencontrées grâce au mémoire de Noa sur la privation langagière. Le père de Noa est sourd et sa mère interprète en LSF. Noa a donc grandi dans l’univers de la surdité́ et acquis ses codes, malgré le fait qu’elle soit entendante. Aline apprend la LSF à présent, n’y ayant pas eu accès car elle a été normalisée dans l’enfance. Leurs vécus présentent des similitudes, tout en étant très différents.
Durant sa résidence, Aline invite Noa pour collaborer. Leurs deux points de vue et expériences de vie autour de la surdité́ pourront se confronter et s’enrichir autour de cette recherche de lien non verbal, à travers le silence du médium photographique.
Pour partager le résultat de leurs recherches, Aline et Noa vous invitent le vendredi 29 mars à 19h30 pour une performance. L’espace sera prêt à vous accueillir dès 19h, puis un repas prix libre sera servi dans la soirée.

 

 Samedi 30 mars 2024
Restitution du travail réalisé en résidence, invitation à expérimenter le silence
Goûter puis repas prix libre
16.00 –21.00

Samedi 30 mars, Aline Fournier et l’équipe de eeeeh! vous proposent de les rejoindre pour une rencontre se déroulant dans le silence.
De 16h à 21h, s’enchaîneront ateliers, échanges et jeux. Vous êtes invité·x·e·s à nous rejoindre le temps qui vous convient. Le langage oral s’éteint pour laisser place au plaisir de l’expérience collective autour d’autres moyens de communication, de partage et de participation. Aline Fournier aura le plaisir de nous introduire à différentes pratiques, jeux et conversations pour nous permettre d’explorer de nouveaux possibles.
Cette journée sera l’aboutissement de la résidence de recherche d’Aline à l’espace eeeeh !. Par le biais de cette rencontre, elle propose de se défaire du poids de la responsabilité individuelle du handicap et des compensations qui permettent de le supporter, pour cheminer ensemble vers une responsabilité collective, humaine et joyeuse.
Vous rêvez d’un monde plus inclusif ?
Rejoignez-nous et, ensemble, tentons de le mettre en pratique !

 

Biographies

Aline Fournier est née en 1986 dans les Alpes valaisannes. Après une formation de conceptrice multimédia et quelques années d’expérience professionnelle dans le monde de la publicité, elle se lance comme photographe indépendante en 2010. Malgré une activité florissante, elle réduit la voilure commerciale cinq ans plus tard et opte pour une vie nomade afin de pouvoir se consacrer corps et âme à ses projets artistiques. En parallèle, elle se perfectionne dans la mise en scène et cela dans différents domaines : conception visuelle, installation, performance, vidéo et illustration.

L’authenticité marque son travail de création, ainsi que sa recherche permanente de mise en scène des contrastes. Elle s’approprie le paysage en créant un territoire habité par les personnages les plus divers. Le dysfonctionnel qu’elle emploie et intègre dans un environnement, selon son inspiration, symbolise l’unité et la force tranquille. Aline Fournier vit l’espace telle une scène du théâtre qu’elle façonne et organise en lui octroyant une identité culturelle particulière. 

Devenue sourde profonde à la suite d’une méningite à l’âge de trois ans, elle expérimente l’absurdité au quotidien, ayant conservé une voix « normale » grâce à une dizaine d’années de suivi logopédique intensif. Sa soif de communication ainsi que les frustrations inévitablement liées l’inspirent pour ses créations, qui deviennent cathartiques et lui permettent de trouver l’équilibre. Artiste pluridisciplinaire, elle expérimente divers médiums, en recherche de nouveaux possibles permettant de tendre vers un monde inclusif. 

Aline Fournier © CV KW / Omaire

Noa Chevalley est diplômée de l’ECAL en photographie. Elle a un vécu à la fois similaire et différent en rapport à la surdité : son père est sourd et sa mère interprète. Bien qu’elle soit entendante, sa langue maternelle est la langue des signes. Ce sont nos mémoires de Bachelor édités la même année (2023) qui nous ont réunis, alors que nous ne nous connaissions pas. Nos travaux étaient engagés en rapport à la société, ses cadres inadaptés et ses processus forcés de normalisation, dont la privation langagière.

Avec le soutien du Service de la Culture du Canton du Valais.