Résidence Jonas Van Holanda

Jonas Van Holanda 

Résidence du 20 janvier au 1er février 2020

Conférence performative : samedi 1er février à 18h

L’année 2020 débute à Eeeeh! avec une série de résidences. Du 20 janvier au 1er février nous invitons Jonas Van Holanda à investir l’espace et nous présenter le résultat de ses recherches.

Pour la résidence dans l’espace Eeeeh! à Nyon, Jonas Van invite l’artiste brésilienne et travesti Linga Acácio à opérer comme médiatrice. Les deux artistes proposent une conférence performative sur les pactes coloniaux, et introduisent la nouvelle décennie en affirmant la neutralité comme une position politique obsolète.

How to start a fire est une proposition de dialogue basé sur le conflit. Ce conflit est une fièvre abrasive, née et élevée dans un purgatoire colonial, protégée par le fantasme collectif de la vérité cisgenre. Les corps trans sont vecteurs de cette fièvre également décrite comme perturbation organique.

Nous creusons un trou pour toucher la terre qui donna naissance à notre extinction. Pour ensorceler notre propre destin – qui n’existe pas a priori. Si nous creusons des deux mains, nous trouverons une traversée dans l’épuisement. Cette ouverture permettrait de transmuter notre douleur. Ne serait-il pas nécessaire de renommer la nature humaine pour transformer les déviations en terre fertile? La dissidence est formée de la naturalisation d’un système d’exploitation – alors comment présager des présages?
La terre cisgenre est une terre violée. Nous devons la brûler.

Pour une définition de certains termes, vous pouvez vous référer au lexique: www.queerparis.com/fr/lexique/

Jonas Van (Ceará, BR, 1989) est un artiste brésilienx trans non binaire qui vit à Lausanne depuis 2019. Son travail est basé sur la remise en question des relations sémantiques normatives pour créer des références esthétiques et spirituel grâce à des outils et des discours anti-coloniaux. Il a participé à de nombreuses expositions et résidences en Europe, en Bolivie, au Mexique et au Brésil. Dans ses travaux, il utilise la vidéo, le texte, la sculpture et l’installation.

 

Je parle portugais
Je ne parle que cette langue
Et cette langue n’est pas la mienne
J’ai appris à parler portugais
Et c’est le souvenir que ma terre a été brûlée

Vous parlez français
La langue que je parle maintenant
Je parle pour être assimilé
Pour réussir à salir votre terre
Parce que je veux habiter cette terre

Et que j’ai de la fièvre
Le désir n’est pas neutre

Tu me comprends?

Le désir n’est pas neutre.
Le désir neutre C’est le désir blanc

Tous les matins je passe de l’alcool sur mes bras
Et il me pousse des poils de rage
Et je pense que
Les performances de genre sont obsolètes
Les performances de monde sont obsolètes
C’est la normalité
C’est le cistem

Je pense qu’à la fin
Les corps cisgenre désirent des corps cisgenre
Baisent avec les corps cisgenre
Douleurs à l’utérus pour des corps cisgenre
Érections pour les corps cisgenre
Amour pour les corps cisgenre

C’est un pacte

La cisnormativité est l’héritage de la colonialité
Tu me comprends?
Ton désir n’est pas neutre
C’est une répétition
La nature est un canular colonial

Il existe 35 cratères lunaires avec des noms de pères jésuites
35 cratères lunaires avec des noms d’hommes cis
Les mêmes hommes qui ont inventé le désir
Ont nommé les cratères
Les frontières
Les gestes
Les sentiments

Le pouvoir de la nomenclature des choses
Est un pouvoir blanc cisgenre
C’est un pacte

Maintenant je suis ici immobile
Vous m’écoutez
Mais je suis immobile
Je suis neutre

Maintenant je suis ici immobile
Et c’est possible d’imaginer que
C’est possible d’imaginer que j’existe
Sans une répétition involontaire?

Si non, je suis en train de disparaître ?

La colonie est très romantique
Et ses descendants aiment qu’elle soit comme ça
connue comme un ancien empire
ou comme des navires remplis de farine

Ils aiment se souvenir de la colonie ainsi
Pour ne pas sentir leurs mains sales
D’héritiers du pacte colonial
On vit dans le purgatoire de ce pacte
La terre du purgatoire
est alimentée avec des désirs cisblancs
C’est une terre violée.
C’est esthétique mais aussi spirituel
C’est politique mais aussi personnel

Pour que ce monde existe
D’autres ont dû disparaître
Et tous les noms jamais dits
jamais désirés.

Le désir n’est pas neutre.
C’est un pacte

Je creuse un trou
C’est un geste
Tout geste porte un sortilège

Nous n’apprenons pas à croire en l’intuition
ou en les sortilèges
Parce que cela reviendrait à croire en nos propres corps
En l’énergie que nous avons
Ceci signifie connaître le pouvoir
Et cela déstructure l’opération coloniale

La colonie m’a offert la dysphorie de genre
Les corps dysphoriques sont ceux qui mirent
Le feu à la nature cisgenere

Ceux qui mirent le feu aux règles intouchées de capture d’âmes

Je creuse un trou
C’est un geste
Chaque geste porte un deuil *doil
Quand je creuse un trou
Je fais une montagne
Je dois perdre pour gagner
J’ai beaucoup de rage
Je porte un fantôme
Pour donner vie à mon désir
Je ferme les deux yeux
Et je passe mes mains sur mon visage
Et je vois un autre œil

Alors que je transitionnais
Je pensais que le feu n’est pas isolé de l’air
Toute structure conduit toujours une chaleur
Deux pierres qui se frottent
Deux sexes qui se frottent
Un cœur brisé
Tout en feu…

Transitionner c’est entrer en combustion
Le feu est la transmutation de la matière organique
Nous brûlons pour exister

Le corps prend feu
Grâce à la quantité d’énergie
Que la graisse corporelle accumule
ou bien nous décidons de brûler
pour avoir le pouvoir de nous nommer nous-mêmes
Et d’autres genèses

Cette humanité est obsolète
Tout ce que nous construisons maintenant
Sont des architectures possibles

A partir de cette transition
Nous emportons le deuil d’une terre anéantie
Mais alors que l’on disparaît avec le feu
Nous oublions la colonialité
Qui capture nos âmes

Nos separaram da terra
Ainda sonhamos a terra
E transicionamos

Jonas von Holanda