Les politiques et interventions impérialistes, l’exploitation des ressources dans le sud global et le néocolonialisme contraignent les personnes à l’exil. Certain.es doivent laisser tout derrière elles.eux pour fuir la violence (Me duele la Memoria). D’autres cherchent à reconstruire une dignité dans un contexte d’exploitation systémique (La voz de mi exilio). Hier et aujourd’hui l’histoire des invisibles continue de s’écrire.
Me duele la memoria (73min) de Iara Heredia Lozar: Me duele la memoria est né dans le sillage d’un premier documentaire, « La barque n’est pas pleine». Alors que ce premier film rappelle la politique de fermeture de la Suisse officielle vis-à-vis des réfugié.e.s du Chili et relate l’action de désobéissance civile du mouvement «Action places gratuites», ce deuxième film donne la parole aux exilé.e.s qui ont vécu le Chili d’Allende et quitté le pays après le coup d’État ou les forces armées d’Augusto Pinochet portent le coup fatal à la « voie chilienne vers le socialisme ».
Les témoins de Me duele la memoria Joāo, le père de la réalisatrice, Liliana, Teresa, Hector, Oscar et Alberto militent au Chili et voient leur vie basculer lors du coup d’Etat du 11 septembre 1973. Dans des récits émouvants, dignes et combatifs, ils partagent leur histoire, leur vécu, les difficultés de leur exil en Suisse, le retour au Chili pour certain.e.s. Leurs paroles sont accompagnées par des images d’arpilleras – tableaux cousus par les femmes des quartiers populaires dont les maris avaient disparu ou étaient au chômage –. Ce qui est aujourd’hui un patrimoine historique et artistique, représentait alors un moyen de survivre financièrement et un mode d’expression pour témoigner des privations et humiliations de la vie quotidienne et dénoncer les violences et injustices du régime. Le gouvernement finit par en interdire la possession et l’exposition.
De la même façon que l’on ne peut concevoir d’individu sans passé, on ne peut concevoir un peuple sans histoire. Me duele la memoria et ses ancrages du Chili à la Suisse, du personnel au collectif, nous éclaire aussi sur notre présent. Les utopies d’hier viennent encourager celles d’aujourd’hui. Les résistances des Chilien-ne-s face à la barbarie comme la désobéissance civile des Suisses face à la fermeture des frontières sont autant d’héritages desquels s’imprégner pour tisser collectivement de nouvelles histoires.
La voz de mi exilio (14min) de Karla Andrade: De quoi rêvent les invisibles ? Ces femmes qui nettoient les hôtels, les appartements et qui disparaissent en laissant tout en ordre ? À quoi pensent-elles dans les dédales d’escaliers et de couloirs ? Que chantent-elles lorsqu’elles lavent et frottent ?
C’est l’histoire de trois femmes qui nettoient le monde, de trois femmes qui soignent le monde, qui le purifient. Le temps d’une journée, nous suivons leurs gestes répétés et nous nous arrêtons notamment sur leurs mains, semblant danser au contact de l’eau.
La violence d’un système que ces femmes subissent n’a pas besoin de s’incarner dans l’habituelle opposition de classe pour s’exprimer ici. Leurs voix accompagnent leur travail quotidien et tisse un récit choral entrelacé. Les rêves de ces trois femmes, leurs chants, les quelques bribes de leur histoire rendent visible à l’écran leur invisibilité autant que leur force, de sorte que – petit à petit – elles retrouvent la reconnaissance qui leur a été refusée.